Il y a 6 ans, je n’étais pas encore maman. Ce n’était pas faute de le vouloir, ni d’essayer de l’être depuis déjà 2 ans. J’ai lu récemment des articles touchants, partagé des expériences difficiles au sujet de bébés qui ne naitront jamais et ça m’a fait me rendre compte que la plaie n’était pas encore tout à fait refermée. Lettre à cette « presque maman » que j’étais alors…
Chère moi de 2011 (oui je sais, c’est un peu formel, je suis émotive que veux-tu…),
Laisse moi tout d’abord me présenter. Je suis toi, mais dans 6 ans. La même, juste débarquée dans la trentaine, avec des kilos, des cernes et de la fatigue en plus. Mais je ne t’en dirai pas trop, je ne veux pas ruiner le suspense.
Chez toi, on est en Janvier 2011 et tu te sens mal. Tu viens de perdre encore une fois l’espoir de devenir maman, et de prendre rendez-vous pour faire le point avec ton médecin. Tu sais que vous allez devoir faire une batterie d’examens, en plus de ceux déjà effectués, qu’on va vous parler de PMA, (ces 3 petites lettres qui te font frissonner d’effroi, crois moi, il y a aussi RGO, mais on y viendra plus tard).
Tu ne sais pas encore ce qui se passe en toi, en ce moment… Ce petit miracle qui te changera la vie dans un peu plus de 9 mois.
Tu pleures souvent, et tu en as le droit. Ecoute-toi un peu, tu as le droit de souffrir. Ce n’est pas rien ce que vous avez traversé pendant ces 2 années, c’est votre histoire et chacun ressent la peine différemment.
Quand on décide de faire un bébé, on ne sait pas où on va. C’est un peu la surprise, on ne sait pas combien de temps ça prendra et ce qu’on aura au bout du chemin. Chez vous, c’est un peu plus long. Les docteurs ne s’affolent pas ou commencent à peine, mais toi tu sais bien que quelque chose cloche. Rien de très grave, je te rassure, mais quand même, rien qui ne mérite d’être minimisé ou passé sous silence.
Il y a d’abord eu cette première fois, 3 mois après l’arrêt de la pilule, alors que tu pensais être stérile sans trop savoir pourquoi. Comme une intuition que ça serait compliqué, depuis plusieurs années déjà (y compris celles où tu n’en voulais pas). Cette explosion de joie, ces espoirs, et puis toute la panoplie de la première grossesse : on se projette, on est fous de bonheur, on parle prénoms alors que c’est le tout début. On ne pense pas un instant que ça ne se passera pas comme prévu.
Et pourtant. A quelques jours de l’écho de la fin du 1er trimestre, du sang. Des douleurs, de l’affolement, et cette impossibilité de quitter le bureau avant l’après midi. Là, tout bascule. La peur fait son entrée, les beaux projets deviennent flous, un gros point d’interrogation assombrit le tout. Et une visite aux urgences n’arrangera que peu les choses : on te dit que rien n’est visible à l’écho, on te dit des mots bizarres comme « oeuf clair » « fausse couche », et on te renvoie chez toi, comme ça, sans rien. Avec le doute et toujours l’espoir qu’ils se trompent. Mais non. Le lendemain, dans un autre établissement, celui qui deviendra ton gynécologue t’affirme que c’est bien une fausse couche que tu fais, que ce bébé que tu chérissais ne s’était jamais développé. Tu as aimé une poche vide, et tu te sens à la fois triste et idiote. Il faut bien passer à autre chose, revenir à la case départ, un accident de parcours en plus. On te dira que c’est fréquent, que ça ne veut rien dire pour la suite, mais toi tu sais : ça ne pouvait pas être aussi simple.
Un traitement d’urgence, un petit délai et beaucoup de douleurs plus tard, c’est reparti. On met la déception de côté, du moins on essaie. Cette fois là vous avez beaucoup plus attendu, le temps de vous fiancer et de faire d’autres projets.
Mais la vie est une petite farceuse et en plein préparatifs pour ce mariage d’été, juste avant la fin de l’année… Un bâtonnet « positif » en guise de cotillon 2010, et les rêves qui reviennent… Et si cette fois, c’était la bonne ? Une première échographie vous a montré un coeur qui bat, et l’espoir renait. Tu as découvert la fatigue, les nausées, et tu te sens enceinte. Pour un temps. Cela n’ira pas au delà des 13 semaines de grossesse, où le médecin découvre lors de l’écho officielle (encore celle là!) que ton bébé a cessé de vivre depuis quelques jours déjà. Comme ça, sans prévenir, alors que tu te sentais déjà maman. Sans raison particulière, cela sera confirmé par son examen génétique. Voilà madame, on va réserve un créneau pour l’opération et vous repartirez comme neuve.
Mais pas tout à fait pareille. Ça fait maintenant 2 pertes, 2 « accidents » comme ils disent et tu te dis que tu ne seras peut être jamais maman. Les bébés fleurissent partout autour de vous et la jalousie commence à pointer son nez. Pourquoi pas vous ? Tu finis par déclarer que tu ne veux plus d’enfant pour l’instant et te replonger dans le mariage à 300%. Tu donnes ta démission et tu nies. Tu n’as pas mal, ce n’était pas un vrai bébé, c’était trop tôt pour l’aimer, ce n’est pas grave après tout. Il parait qu’il valait mieux que ce soit maintenant, mais qui peut penser ça ? Il n’y a pas de meilleur moment pour perdre un enfant.
Les projets, ça t’a permis de te changer les idées. En apparence. Maintenant les essais et la grossesse te font peur, mais en même temps tu manques cruellement d’un enfant. Tu y penses chaque jour tout en affirmant le contraire. De toute façon on te répète en boucle que c’est parce que tu y penses trop. C’est donc ça, la faute de ton cerveau, ta faute à toi. De toute façon c’est ta faute, celle de ton corps qui ne sait pas garder un bébé en vie, et puis c’est tout. Sache que tu te trompes. Il sait, tu verras.
Tu ne supportes plus qu’on te parle de bébé, encore moins quand c’est à ton propre mariage. Celui où aucun ventre ne gêne ton corset, où tu peux boire du champagne sans faire semblant (cela dit, tu es bien trop prise pour ça dans le tourbillon de cette jolie journée). Celui où l’on vous souhaite quand même d’avoir ENFIN des enfants.
Ne t’inquiète pas, on oublie. Enfin, on n’oublie pas tout à fait mais la douleur s’apaise. Elle fait partie de ton histoire, et tu y repenses parfois, surtout quand les copines passent par des périodes difficiles pour avoir un bébé, tu te rends compte que c’est toujours là au fond de toi. Mais plus en permanence comme c’est le cas pour toi.
Et te voilà, en Janvier 2011, après une 3ème perte, un 3ème échec. Ça n’aura pas duré longtemps, cette fois. 3 petits jours, juste pour Noël, mais l’espoir n’y était pas vraiment. Juste assez pour te faire pleurer quand finalement, ce bébé là aussi s’est en allé.
Je me souviens de ce que tu ressens, de tes questions, ta lassitude, ton désespoir même. Du sentiment d’impuissance, d’injustice, de ton envie de tout laisser tomber. Mais tu sais bien que tu ne peux pas, et ça te rend dingue.
Je voudrais te parler de tout ce qui va t’arriver, de la suite de l’histoire, te rassurer. Mais je ne peux pas trop t’en dire, tu dois le vivre pour savoir. Sache juste que c’est la dernière perte avant un moment. Promis, juré. Que tu n’iras pas en PMA. En ce début d’année un chapitre nouveau commence et tu ne le sais pas. J’aimerais te dire de moins stresser, que cette fois, tout ira bien. Mais je sais que tu ne le feras pas. Je le sais bien, je suis toi !
Alors je te dirai que vous avez raison de garder un peu espoir, quelque part. Cette année 2011 sera magique, pleine de rebondissements (enfin, surtout ton ventre), fatigante et bouleversante. Celle où tu deviendras maman.
Oups, je t’ai gâché la surprise ! Mais avoue, depuis le début de cette lettre, tu t’en doutais un peu.
Et puis, un peu plus tard, quand les plaies seront pansées, vous vous relancerez. J’aurais aimé te dire que ça sera facile, du premier coup tout ça, mais ce ne sera pas le cas. Moins long, moins de pertes et de chagrin du moins. Mais vous ne vous arrêterez pas à un bébé, malgré tout ce que tu pourras dire ces prochains mois.
Tu sais, je pense souvent à toi. A cette tristesse, cette impatience et ce désir obsédant de devenir maman. Je pense à toi quand mon quotidien me pèse, quand je suis si fatiguée que je m’endors debout, quand les cris et les pleurs me rendent folle. Je me dis qu’il y a 6 ans, je crevais d’envie d’avoir un enfant. Et puis je repense aussi à ces enfants qui ne sont jamais nés. Je ne peux pas faire comme si rien ne s’était passé. Mon premier bébé n’est pas vraiment le premier, mon deuxième n’est pas le deuxième non plus. C’est mon histoire, ton histoire et c’est comme ça.
Après tout, je les ai portés et aimés, même un petit peu, alors on a qu’à décider que ça compte. Parce que c’est le cas.
Alors pleure autant que tu veux, ou plutôt autant que tu en as réellement besoin. Ce n’est pas une faiblesse. Ça s’appelle le deuil, et tu as le droit de faire le(s) tien(s). Tu as même le droit d’en parler, même si c’est tabou. Il y a des gens qui t’avoueront qu’eux aussi ils sont passés par là, des oreilles et épaules rassurantes, qui te feront réaliser que tu es en droit d’avoir mal. Et que ce n’est pas ta faute.
Ce n’est pas ta faute. On ne saura surement jamais qui blâmer, et peu importe. Tu auras sans doute toujours la larme à l’oeil quand tu y repenseras, mais tu sais, ça ira. Tu feras toujours de ton mieux, et tu auras le droit de te tromper aussi.
Mais je t’assure, l’histoire se finit bien. Ils vécurent heureux et eurent ENFIN des enfants.
Bien à toi,
Toi de 2017.
..très émouvant, très beau texte. Je ne suis pas du tout passée par là mais j’ai trouvé ta lettre magnifique. Elle est un beau rappel d’espoir pour cette nouvelle année 2017.
Merci beaucoup ! 🙂
C’est une jolie lettre oui. Je my retrouve un peu.
Jai perdu mon bébé a 24 semaines, j’ai du interrompre la grossesse parce qu’il était bcp trop malade…ca était la pire décision de ma vie je crois, en plus il est arrivé alors qu’il n’était pas encore attendu, c’était une très belle surprise. J’ai déjà une fille, on voulait agrandir la famille ms on s’était pas encore vraiment décidé.
Et depuis un an je me dis qu’il s’est passé quelque chose en moi d’ irréversible. Je sais pas si c’est la peur de retomber enceinte, une façon de se « préparer » …Tout le monde me dit aussi que tant que j’y penserais ca marchera pas. Ils sont gentils c’est pas comme si je lavais perdu exprès, que sa mort me hante et que l’idée d’avoir une grande famille se dissipe. Et comment ne pas y penser qd toutes sont enceintes…Finis ton deuil certains me disent! C la première fois que je le dis ouvertement, comme ça. ms ça fait du bien d’en parler de cette manière
Comme ça a du être dur, et comme ça doit l’être encore… Je suis vraiment désolée.
Irréversible oui c’est le mot, et il faut parfois du temps pour se relancer vraiment. Et c’est « marrant » oui le « tu y penses trop »… Comme si on pouvait ne pas y penser !
Bon courage pour la suite.
Enfin je laisse un commentaire, après avoir parcouru ce très bel endroit en long, large, travers. Je suis assez bouleversée par ces écrits qui sont à la fois bien écrits et criants de vérité. Sans compter que j’ai l’impression de me lire (jeune maman d’une petite fille RGO apres 2 ans et demi d’essais et 3 fausses couches, une légitimité que jai du mal à m’accorder, des sentiments nombreux, varies et intenses, bref). Pour avoir connu des essais aussi chaotiques que les votres, pour en porter les mêmes stigmates, cette lettre, comme plusieurs autres articles, me touche profondément.
Merci beaucoup pour ce commentaire qui me touche beaucoup. C’est vrai qu’après avoir attendu longtemps d’avoir un enfant c’est un peu déconcertant toutes ces émotions contraires… J’espère que tout ira mieux très vite pour vous.